Je ne pars pas pour fuir mais pour découvrir, m'enrichir et vous offrir ce que j'ai vu....


Nouvelle-Calédonie - Ile des Pins

19/04/2013 23:01

Après trois heures de vol, la grande terre se dessine. La végétation est abondante, le vert est partout. Les reliefs sont impressionnants et la pierre est noire. C'est parti pour un nouveau chapitre, une nouvelle page de ce tour du monde, une nouvelle étape !!! Youhou !!!

Je vous recommande Air Calin, de loin la meilleure compagnie que j'ai prise. J'arrive au tout nouvel aéroport de Tontouta. Aujourd'hui, pas plus de 10 avions par jour s'y posent. Au hasard des rencontres un kiné qui a vécu sur Lifou me raconte comment s'est déroulée l'inauguration de cet aéroport. Le montant du buffet a fait polémique car il a coûté environ 120 000 € et que lorsque le haut commissaire de la république qui est le plus haut représentant de l'état sur l'île s'est exprimé celui-ci a piqué une crise car personne ne l'écoutait, tout le monde étant en train de se goinfrer. Ironie du sort ce cher monsieur est chargé de contrôler les dépenses de l'état en Nouvelle-Calédonie et donc par conséquent le montant de ce buffet gargantuesque.

Quelques mots sur la Nouvelle-Calédonie. L’archipel se situe à 1 500 km à l'est de l'Australie et à 2 000 km au nord de la Nouvelle-Zélande. La grande terre possède d’importantes ressources de nickel, 20% de population active travaille dans cette industrie. Ce n’est pas un DOM (Département et région d’outre-mer), ni un TOM (Territoire d’outre-mer), ni un COM (Collectivité d’outre-mer) mais une collectivité « sui generis » autrement dit c’est un Territoire à souveraineté partagée. Je ne vous raconte pas le bordel ! En revanche, il faut savoir qu’en 2014 les calédoniens voteront pour leur indépendance.

Depuis les évènements de 1988, désignant la prise d’otage d’Ouvéa, l’archipel n’a cessé d’avancer vers cette nouvelle étape. Cette date sanglante est encore dans tous les esprits.
J’ai cherché des informations sur internet et il se trouve qu’ici beaucoup considèrent ces sources comme fausses. Un passionnant professeur de français qui a travaillé 7 ans à Lifou, puis 3 ans à Ouvéa pour diriger le tout nouveau collège, nous raconte autour d’une table l’histoire selon les Kanaks. En avril 1988, Jacques Chirac et François Mitterrand s’affrontent à l’élection présidentielle.

Deux jours avant le premier tour, des indépendantistes Kanaks attaquent la gendarmerie située sur la plage de Fayaoué sur l’île d’Ouvéa. 4 gendarmes sont tués tandis que les 27 autres sont pris en otage. Des actions similaires étaient prévues dans les deux autres îles loyauté de Lifou et Maré mais celles-ci n’eurent pas lieu car Jean-Marie Tjibaou, leader charismatique les empêcha puisqu’il défendait l’indépendance par la non-violence. L’armée fut envoyée et Ouvéa fut désigné comme terrain militaire. Aucun journaliste ne put se rendre sur l’île. Lorsque les preneurs d’otages se réfugièrent dans le nord de l’île, les grands chefs dont Jean-Marie Tjibaou coupèrent le contact constatant que la situation avait totalement débordée. Selon quelques Kanaks, ils voulaient éviter d’éventuelles futures représailles de l’Etat français et ainsi être associés à cette tuerie.
Après avoir torturé des innocents, le GIGN et les services secrets trouvèrent la grotte où les otages étaient retenus et lancèrent l’assaut. Dix-neuf des preneurs d'otages et deux militaires sont alors tués. Il n’y eut aucun survivant chez les preneurs d’otages. Douze moururent d’une balle dans la tête ainsi que de multiples blessures corporelles. Ce fut une réelle exécution.

Un an plus tard, les trois grands chefs indépendantistes, se rendirent dans la grotte pour commémorer ces évènements tragiques. Beaucoup de Kanaks demandèrent aux grands chefs de ne pas venir. Ils étaient considérés comme des traitres sur l’île. Deux grands chefs, dont le plus charismatique Jean-Marie Tjibaou furent tués lors de la cérémonie. Depuis, la tension descend doucement, doucement, doucement mais il est toujours déconseillé pour un zoreille de visiter le nord de l’île. Un mois avant notre arrivée, la gérante du club de plongée fut attaquée à coups de machette et un couple fut tabassé puis dépouillé. Quelle triste histoire, où chacun conviendra qu’il n’y a aucun vainqueur.

« L’horreur et la fatalité se sont données carrières dans tous les siècles », c’est Edgar Poe qui a dit cela, je crains qu’il ait raison. C’est important de connaître ne serait-ce que superficiellement ces évènements pour comprendre cette méfiance dans les échanges et les regards. En revanche, on peut ici avoir une idée de ce que vivent certains en France et dans le monde, ce que l’on appelle le racisme. Ma couleur de peau, ma nationalité et mon lieu de naissance m’associe forcément à un zoreille, autrement dit ceux qui ont tués les 19. Sans même avoir pu prononcer un mot, je cautionnais forcément ces évènements que je venais seulement d’apprendre. Une expérience intéressante à vivre.

Sur le trajet qui me mène à l'auberge de jeunesse je monte dans le même bus que les écoliers. Je ne sais pas si c'est comme cela à chaque fois mais cela ressemble plus à une cour de récré roulante qu'un bus. Le jeu à la mode consiste à faire des grimaces aux habitants que nous croisons. Le plus rigolo est de voir la plupart des passants répondre. Une réelle bonne humeur se dégage de cette ambiance bonne enfant partagée avec tout le monde.

J'arrive à Nouméa, il me faut alors marcher un quart d'heure pour rejoindre la fameuse place des cocotiers, puis les escaliers au nord de celle ci pour grimper sur le relief qui surplombe ce quartier. Encore un petit virage et mon auberge de jeunesse est là.
Presque chaque enfant, adolescent que je croise me dit bonjour. Cet élan de politesse me toucha en premier lieu mais je ressentis également que j'intimidais malgré moi. Comme si l'homme blanc que je suis était supérieur, et par conséquent être poli envers moi était un devoir plus qu'une volonté. Je fus surpris de ressentir cela aussi fortement. Je laisse pour l'instant ces questions dans un coin de ma tête, les réponses viendront plus tard. Je pose mon bagage et je profite du balcon pour découvrir ce quartier de la ville. Je passe ma soirée à enfin écrire quelques cartes postales... Après trois mois de voyage il était temps. D'autant plus qu'envoyer des cartes postales australiennes depuis la Nouvelle-Calédonie. Ça je ne l’avais jamais fait...

J'ai créé ce site pour partager avec vous mon voyage mais pas pour tout partager. Après vos multiples questions, effectivement je n'étais pas seul en Nouvelle-Calédonie. Je peux même dire que j'étais très bien accompagné mais je n'en dirai pas plus. Néanmoins, cela explique le nombre de photos, le nombre de casques à côté du scooter, etc. Si vous cherchez dans Closer des infos, vous n'en trouverez pas !!!

Après quelques recherches, le parcours sera le suivant : Îles des pins, Ouvéa et enfin Lifou. Nous sommes prêt à embarquer dans le petit coucou qui après seulement 20 minutes de vol nous déposera à l'île des pins. Les places ne sont pas numérotées et tout le monde rigole quand le pilote annonce que nous commençons à descendre. En effet 10 minutes après avoir décollé, nous croyons d'abord à une blague. Notre lieu de villégiature sera la grande case de Rosemarie et Jacques. Environ 3000 personnes vivent sur l'île. Selon Jacques, la population a cessé de croître après l'arrivée de la télévision.
D’après vous pourquoi ? Après des années de questionnement Jacques a émis l'axiome suivant, je cite "Et oui les vieux ils s'emmerdaient, donc ils faisaient des gosses. Maintenant qu'il y a la télé, ça va mieux. Moi j'en ai que deux.". Nous ne pouvons que nous incliner devant une telle démonstration.

La baie de Kuto n'est qu'à quelques pas. La brise marine pointe le bout de son nez. Du sable apparaît sous les cocotiers. Nous y sommes, la carte postale est sous nos pieds. Le sable blanc nous caresse tant il est fin, l'eau turquoise laisse les rayons du soleil dévoiler les fonds marins, et les cocotiers semblent plonger dans la baie. Des petites vagues viennent compléter le spectacle avec ce bruit si apaisant.

Nous partons le lendemain matin pour une journée en bateau à la découverte de l'atoll de Nokanmui, de la tortue star, des requins et peut-être d'autres surprises. Après seulement 10 minutes de bateau, Jacques plonge. Et là, une tâche se déplace sous l'eau. Elle vient vers nous. C'est une tortue !!! Jacques la prend par la carapace et la sort de l'eau. Elle est grosse et marron. C'est fou à quel point elle semble être habituée à avoir de la visite. Je saute à l'eau pour la rejoindre. D'abord hésitant je la prends par la carapace. Elle ne cherche pas à fuir. Elle nous observe tranquillement. Je touche ensuite ses nageoires. C'est un moment magique. J'essaie de la sortie de l'eau mais elle est vraiment lourde. C’est fou ! Je pourrais rester avec elle pendant des heures. Elle agite parfois ses nageoires au-dessus de l’eau. Je suis fasciné par cet échange. Un grand moment…

C’est déjà reparti, notre pilote connaît les fonds comme sa poche. Il vire dans les passes de la barrière de corail comme sur un circuit. On distingue les récifs affleurant grâce au contraste avec le blanc des fonds sableux. On sent un monde fascinant vivre sous nos pieds. Les couleurs, le soleil, les pins, les récifs, le lieu est vraiment paradisiaque sous bien des égards. Un atoll prend forme au loin, c’est une bande de sable au milieu de nulle part. Les couleurs continuent à nous captiver, toutes les teintes de bleu dansent devant nos yeux.
L’atoll de Nokanmui est à nous pour les deux prochaines heures : « Vous êtes seul sur une bande de sable, il faut 20 minutes pour en faire le tour ». Une légère végétation et quelques arbres semblent se battre face aux vents qui ne trouvent ici aucun obstacle. J’ai l’impression d’avoir rêvé ces moments en vous les écrivant.
Cet atoll fait partie des plus belles merveilles de la nature que j’ai pu voir jusqu’ici. Un moment inoubliable…

Nous partons vers notre prochaine destination. Nous sommes proches de midi, la langouste ne doit plus être loin. Soudain un arrêt inattendu, nous sommes sur une barrière de corail. Nous sautons à l’eau, il y a 4 à 5 mètres de profondeur et le fond est jonché de roche corailleuse multicolore. De nombreux poissons sont au rendez-vous. La visibilité est parfaite et au loin apparaît un étrange poisson. Un requin dormeur… il est sur le fond sableux immobile. Nous ne sommes pas rassurés mais Jacques, notre accompagnateur qui est âgé de 18 ans, me dit : « ils attaquent pas, ils attaquent pas ». Je le regarde attentivement s’approcher de notre pote le requin. Celui-ci est toujours immobile. Nous nous refugions au dessus d’un massif pour les observer, cachés ! Désormais 4 requins voguent aux alentours. L’un d’entre eux sur la gauche semble un peu plus excité que les autres. J’essaie vraiment de garder un coup d’œil sur chacun. Puis, le stress des premières minutes laisse place au charme pour ces animaux marins. Nous sommes des spectateurs privilégiés. Il faut déjà partir… Un autre moment dont je me souviendrai longtemps.

Cette fois, la langouste n’est plus loin. Nous arrivons sur un atoll dont la végétation permet de manger sous les arbres à l’ombre de la chaleur tropicale. Pour conclure cette matinée parfaite une langouste rien que pour moi m’attend. Je la dévore sans modération en me demandant ce qui peut encore bien m’arriver. Ceux qui me connaissent se doutent de la façon dont j’ai utilisé l’heure de repos que nous avons avant de repartir. Une sieste sous les arbres…

L’après-midi nous allons à l’îlot brosse où nous croisons deux tricots rayés. Ce sont des serpents de mer, prédateurs de murènes et congres. Il est déjà 16h et il faut rentrer. Une journée merveilleuse s’achève. Je crois que lorsque l’on vit des moments si beaux et si forts, le bonheur de les avoir vécu nous accompagne. J’ai souvent le sourire quand j’y pense, je me sens bien, simplement bien…

Le lendemain matin notre scooter nous attend dans le jardin de Jacques et Rosemarie. Le sac est fait, les sandwichs prêts, les lunettes sur le nez et c’est parti ! Nous redécouvrons la baie de Kuto, et celle de Kanuméra. Sur cette dernière baie, se loge un énorme caillou « Tabou ». Il y a longtemps, une jeune japonaise fut retrouvée calcinée sur celui-ci. Depuis, il faut demander à la tribu pour le visiter, et ainsi éviter d’être frappé par les esprits. C’est tout ce que j’ai pu savoir à ce sujet.

Nous nous dirigeons ensuite vers le nord en direction de la baie d’Oro et de sa piscine naturelle. Il nous faut quand même 40 minutes de scooter pour atteindre le parking du restaurant chez Régis. Quelques arrêts en route sont intéressants, Vao par exemple. Nous partons à pied au bord de ce qui ressemble plus à une rivière qu’à la mer. Quelques minutes plus tard nous atteignons la piscine naturelle. Un caillou est posé la, au milieu. Les pins entourent cette piscine privée faite de sable blanc et d’une eau turquoise. Nous sommes à marée basse et le caillou semble tenir sur un fil. Encore une fois il ne nous reste plus qu’à contempler…

En aventuriers de l’extrême nous nous dirigeons vers la baie d’Oro. La pluie s’invite au rendez-vous et alors que nous traversons un village presque desert, la route s’arrête. Je me propose alors d’aller explorer les alentours et trouver notre chemin de retour. Les pieds dans l’eau je longe le littoral rocheux. Des bungalows apparaissent dans les arbres. Plus loin une baie de sable se dévoile. C’est celle de l’hôtel le méridien, le seul hôtel 5 étoiles de l’ile. Il n’y a personne sur la plage. Nous rejoignons donc la terre par la mer, traversons les sentiers jusqu’à franchir de nouveau un canal pour enfin rejoindre notre scooter. Quelle aventure…

Le lendemain, nous quittons notre grande case pour rejoindre l’aéroport. Madeleine la nièce de Jacques nous dépose à l’aéroport. En chemin, elle nous avoue ne pas avoir le permis et qu’ici seulement la moitié des conducteurs l’ont. Elle conduit depuis qu’elle a 15 ans sans que cela pose de problème à personne. Nous pourrions croire que le coût du permis serait une des explications. Eh bien pas du tout, puisqu’ici passer le permis ainsi que l’examen du code, c’est gratuit !
Je vais alimenter les indépendantistes en écrivant cela mais il semblerait que ce soit la vérité.
En tout cas si vous cherchez la source c’est radio cocotier, le bouche à oreille local ou les ragots, ça dépend des fois…

 

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