Je ne pars pas pour fuir mais pour découvrir, m'enrichir et vous offrir ce que j'ai vu....


Nouvelle-Zélande

19/03/2013 16:12

A Wanaka, au milieu de nulle part apparaît un lac immense entouré de montagne. Un aigle règne dans le ciel.
Les rayons du soleil ne font face à  aucun nuage et chaque relief est éclairé.
La bouche légèrement ouverte, ébahi, j'observe... Je trouve un coin d'ombre sous un eucalyptus juste au bord de l'eau. Je prends un instant pour m'installer et je peux enfin commencer à vous écrire, à vous raconter, à partager mes aventures.

"Bienvenue dans le dernier pays sur terre", comme l'annonce fièrement le « Tourism of New Zealand ». Une plaque attire mon attention, voici ce que l'on peut lire : « La pluie soudaine succède au grand soleil estival. Les forêts aux allures tropicales n'ont pas peur de côtoyer les glaciers. Les montages les plus hautes bordent les océans les plus profonds. Le rouge intense de la fleur de pohutukawa éclate sur le noir du sable volcanique. Les déserts et les forêts pluviales habitent les versants opposés d'une même montagne... Le voyageur y trouvera les trésors de l'humanité, et ne pourra qu'être émerveillé par la beauté des paysages. S'il accepte d'affronter parfois les vents violents des quarantièmes rugissant ou encore une averse torrentielle digne des tropiques, s'il reste ouvert aux rencontres en chemin, il sera touché au cœur et à tout jamais ».
Le ton est donné, je m'en vais découvrir le pays au long nuage blanc...

Après une nuit passée sur la délicate moquette de l'aéroport je reçois un texto sur mon tout nouveau portable made in New Zealand. C'est Aaron le fermier qui va m'héberger à Timaru. En échange de quelques heures de travail, je ne paierai ni d'hébergement ni de nourriture, on appelle cela du « woofing ». Il a eu la gentillesse de venir me chercher à l'aéroport. Je suis là, sur le parking, à attendre une personne dont je ne connais que peu de choses. J'ai déjà vécu cette sensation 1000 fois mais il y a toujours une appréhension. Cette peur de celui que l'on ne connaît pas. C'est si facile de céder à celle-ci et puis "On ne sait jamais, il faut faire attention". Accepter l'inconnu et le laisser vous accompagner dans son monde. Les belles surprises appartiennent à ceux qui y croient. Alors pourquoi ne pas y croire...

J'entends « Robin ! Robin ! » au loin derrière moi. Je me retourne et Aaron me fait signe de le rejoindre. Il est brun, plus petit que moi, et ressemble définitivement à un fermier. Il a un sourire communicatif, on lui donnerait le bon dieu sans confession. En me serrant la main il me déboite les phalanges. Nous montons dans la voiture, et il me prévient que son fils a fait une connerie donc il doit passer des coups de téléphone. J'en profite pour avaler les paysages qui défilent par ma fenêtre. Heureux comme un gosse qui découvre les cadeaux que lui offre la nature.
Le bonheur ne semble plus me quitter.

Après deux heures à rouler au bord de  la mer nous arrivons à Timaru, une petite ville de quelques milliers d'habitants. Nous revenons un peu dans les terres et je découvre leur maison. J'ai juste le temps d'ouvrir la portière que Josua 5 ans et Cameron 7 ans se jettent sur moi. Après les banalités d'usage, Cameron me dit que je suis le premier français qu'il voit. Il continue en me disant que son joueur préféré est Lionel Messi. Je lui réponds : "Connais-tu Zidane ?". Il me répond que non, et soudain, je ressens cette sensation étrange que les symboles avec lesquels j'ai grandi ne datent pas de la dernière pluie. C'est à peine si j'ai le temps de déposer mes bagages que je suis déjà dans le jardin avec la balle au pied prêt à débuter mon premier match de football en Nouvelle-Zélande.
La foule est composée de poules, de canards, vaches, chevaux, taureaux, et j'en passe... Nous sommes bien à la ferme. Après un match épique dont je tairais le score par respect pour mes adversaires, un barbecue avec la communauté (c'est le nom qu'ils donnent aux gens qui vivent à proximité) nous attends. Aaron me jette une demi-entrecôte dans l'assiette et me voilà parti pour le buffet. Comment vous dire ? Je suis le plus heureux du monde... J'ai dû censurer le passage qui décrivait le carnage dont je suis responsable. En effet ma victime, le buffet, n'est plus là pour se défendre.

Dès le lendemain matin me voilà fermier. J'enfile les bottes, une salopette et c'est parti ! Après avoir donné à manger aux animaux, coupé du bois, je suis au volant d'un tracteur. Pret à déplacer le foin pour ces damoiselles les vaches. Lorsque j'ai terminé ma demi-journée de travail, je fais un arrêt sur image et il me faut encore quelques instants pour réaliser ce qui m'arrive. Je suis à l'autre bout de la planète en train de jouer au fermier ! Le bonheur tient parfois à des choses simples.

Trois jours passent et chaque matin je prends un plaisir fou à découvrir les joies de la ferme. Chaque jour après l'école je joue avec les enfants dehors, à courir derrière les vaches et les chèvres. Je me laisse aussi aller à l'écriture de petites histoires qui naissent dans ma tête lorsque le temps se ralentit et que la nuit tombe sur les plaines. Avoir le temps, qu'elle chance inestimable.

Cette expérience me permet d'être pendant quelques jours au cœur d'une famille, et au-delà du pays, je découvre un mode de vie, une culture. Le monde me semble plus accessible, et face à moi une autre histoire, celle d'une vie à la ferme, simple et pleine de rebondissements. D'autres vies sont possibles, et cette fois elle se joue là, devant moi. Lorsque l'heure viendra où je devrai faire mes choix, cette expérience m'aidera à avancer, et c'est ça, la richesse du voyage. J'ai la chance de voir le monde, pour un jour pouvoir construire le mien.

Je pars un matin vers le sud en direction de Dunedin. Ce petit pays aux 4 millions d'habitants ne possède pas beaucoup de route, peut-être qu'il est facile d'y faire du stop. Je marche avec une pancarte et un grand sourire. Et c'est parti pour l'aventure ! À peine 5 minutes s'écoulent et un camionneur s'arrête, c'est un maori comme ceux que l'on peut voir sur les terrains de rugby. Il me dépose une vingtaine de kilomètres plus loin pour pouvoir prendre le bus vers le sud.

Je descends à Hampden, une ville de 300 habitants qui fait face à la mer. Et là, personne ! J'avais rendez-vous avec Carla, ma nouvelle hôtesse mais la ville est déserte. Quelques minutes passent et je regarde autour de moi avec le sourire car je suis vraiment au milieu de nulle part. Ce vide de communication, de gens, d'infrastructures peut sembler déroutant mais une voiture approche, c'est Carla, je suis sauvé !

Celle-ci est pleine de poussière, et je comprends vite pourquoi. Nous retournons dans les terres à travers un chemin qui nous ramène dans les montagnes. Plusieurs arbres cachent deux petites maisons. Je resterai dans une des maisons, seul, elle sera rien que pour moi. Je pose mon bagage et Carla me demande de prendre le quad pour aller donner à manger aux chevaux en bas. Elle me demande par précaution avant, tu sais conduire un quad ? Je réponds avec une assurance déconcertante : « Yes ! ». Aussi loin que je cherche dans ma mémoire, la dernière fois que je me suis retrouvé sur un quad, j'étais passager, c'était au Sénégal et ceci remonte déjà à quelques années... Je n'ai donc jamais conduit un quad mais l'occasion est trop belle.

"Tout le monde savait que c'était impossible. Et il est venu un idiot qui ne le savait pas, et qui l'a fait."
Marcel Pagnol. Je m'accorde volontiers le rôle d'idiot.
C'est parti, je monte sur le quad mais je n'arrive pas à le démarrer. Il ne faut surtout pas perdre la face. Je sens Carla qui observe dans mon dos. Si elle sent que je lui ai menti il est possible que ce soir je dorme dehors. Une petite bouffée d'air frais, un regard rapide sur les « buttons » qui sont devant moi et là... Il ne démarre toujours pas ! Carla me dit quelques chose mais je ne comprends rien avec son accent à couper au couteau. Elle s'approche et me montre comment démarrer. Je garde le sourire de circonstance, petite marche arrière et à moi la Nouvelle-Zélande. Une fois démarré c'est un jeu d'enfant, enfin grand enfant comme moi. Je découvre les élevages de biches et cerfs qui sont aux alentours. Les paysages sont vraiment beaux, de petites collines succèdent à des prairies, des pins qui recouvrent partiellement ce lieu vierge de toute habitation. La mer n'est qu'à une dizaine de kilomètres et le relief où nous nous trouvons permet d'observer l'horizon. Une merveille de la nature où j'ai la chance de passer les prochains jours.

Il y a une grande chanson de variété française qui nous a accompagnés pendant des années sur le chemin des vacances. « Tout, tout, vous saurez tout sur le zizi ». Je pense bien évidemment à Pierre Perret, loin de moi l'idée de me comparer à cet immense artiste de la chanson française mais je pourrais aujourd'hui écrire à ma façon des paroles similaires sur le fumier. En effet chaque matin je devais nettoyer les enclos des chevaux. Je leur apportais à manger et enfin venait l'heure du nettoyage. Je n'ai pas eu le temps d'écrire les paroles mais l'heure viendra où nous pourrons partager ce pur moment de bonheur que vous attendez tous.

Carla possède  8 chevaux dont 3 encore trop jeunes pour être montés. Les 5 autres font des courses d'endurance. Une fois qu'ils sont suffisamment entrainés, Carla les vends pour subvenir à ses besoins. Sa spécialité consiste à récupérer les chevaux les plus mal en point gratuitement pour les garder pendant 4 ou 5 ans avant d'en faire des champions. Elle a déjà vendu des chevaux partout dans le monde et sa réputation n'est plus à faire. Elle est également ostéopathe et sait ferrer ses chevaux elle-même. Une bonne femme de 60 ans aussi laide que généreuse. C'est une femme directive, passionnée et pédagogue quand il s'agit d'enseigner cette relation si profonde qui peut parfois exister entre un homme et un cheval. La première fois que nous sommes allés voir les 3 chevaux encore  sauvage, j'ai été surpris de les voir se cacher derrière elle. Lorsque l'un d'entre eux s'est approché, je l'ai laissé me sentir, puis toujours aussi craintif il a tendu son cou. Carla me dit attention Zarius est joueur. Son regard plein de malice m'intriguait et pourtant il se laissait faire. Après quelques minutes à le caresser, il me mordit le bras avant de partir au galop. Lorsqu'il finit son numéro, il se leva sur ses pattes arrière face à moi et redevint calme la seconde qui suivit. Ce sont tous des purs sang arabes qui sont connus pour leur fort caractère. Ils sont souvent décris comme les plus beaux chevaux du monde. La robe noire de Zarius est continue et brillante au soleil. Il me fait penser à Zingaro, le cheval de Bartabas.

Le soir je rencontre Ian, le compagnon de Carla. Un Cow-Boy comme l'on en fait plus. Les santiags, la chemise entrouverte, et un chapeau qui aurait pu être porté par Clint Eastwood avant qu'il se mette à parler à une chaise vide. Chaque soir en rentrant, il embrasse la winchester qui a servi à son père pendant la guerre. En voyant ça la première fois, je me suis dit "Oh putain, ici va falloir filer droit...". Il s'approche de moi, allume une cigarette et me sert la main en me regardant dans les yeux. Quelques secondes interminables s'écoulent et il me dit "Mon père a libéré la France, il a combattu à Marseille pendant la guerre". Sans savoir quoi répondre, un "Merci, maintenant Marseille est une belle ville" sort de ma bouche. Et là, Carla lui dit "Arrête de faire ton numéro, tu vas l'effrayer avec tes histoires de vieux.". Il retrouve le sourire et me propose un coup à boire. Soulagé, j'accepte volontiers un petit moment de détente après cette entrée en matière pour le moins spectaculaire.

Le lendemain matin nous voilà partis pour une petite randonnée d'une heure. Aujourd'hui je monterai Bella, une jument à la robe blanche parsemée de gris. Carla prépare une course qui aura lieu dans un mois à laquelle Bella et Nina participeront. Selon elle, Nina doit gagner mais elle manque encore de vitesse. C'est parti pour le premier galop à travers les champs de biches. Cette sensation de vitesse est exceptionnelle. Quelques jours plus tôt j'étais à la ferme sur un tracteur, un mois plus tôt j'étais sur la Great Ocean Road en Australie, et me voilà au galop en Nouvelle-Zélande.


Comme dirait Roberto Benigni, la vita è bella !

 

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