Je ne pars pas pour fuir mais pour découvrir, m'enrichir et vous offrir ce que j'ai vu....


Polynésie française

19/05/2013 15:48

Au beau milieu du Pacifique, s'éparpillant sur une surface plus grande que celle de l'Europe, cinq archipels composent ce pays d'outre mer : les îles Marquises, les îles Australes, les îles Gambier, les îles Tuamotu et les îles de la Société. On peut trouver sur chacune de ses 118 terres émergées des lagons, un sable blanc, beaucoup de cocotiers, des requins juste au bord de l'eau, des sourires méconnus, des couchers de soleil inimaginables... Mais c'est quelque chose d'autre que je suis venu chercher ici : la richesse des fonds marins. Le commandant Cousteau avait dit que les peuples des mers et des océans vivent en Polynésie. Je m'en vais découvrir le monde du silence...

Papeete, est la capitale économique de la Polynésie. Elle se situe sur l'ile de Tahiti. La ville porte les stigmates d'un déclin économique qui dure maintenant depuis des années. Les rues sont vides et beaucoup de commerces sont fermés. La saleté est partout... Une triste vision à laquelle je n'étais pas préparé. Il y a un certain désenchantement dans l'air, une résignation palpable dans les regards, dans les échanges.

Le lendemain j'ai la chance d'être invité à un repas de famille. En effet, Gaston et Pierrette les plus charmants hôtes de toute la Polynésie m'hébergent non seulement chez eux mais m'invitent également au repas de famille. J'ai la chance de découvrir leur immense famille. Nous sommes environ 30 personnes et nous allons manger des plats typiques Tahitien pour mon plus grand plaisir... Veau à la broche, poisson cru au lait de coco, et j'en passe. Une bien belle journée.

Mon parcours est bouclé, ce sera Tikehau, puis Rangiroa et enfin Fakarava. Avant de partir Gaston me propose de faire le tour de l'île. Le long des 115 kilomètres qui bordent la mer je découvre le trou du souffleur, les 3 cascades, Papenoo et Teahupoo.

Robert Louis Stevenson décrivit les Tuamotu comme des îles qui tiennent à peine entre ciel et mer, dont la beauté est sans pareille.

Après 40 minutes de vol dans un ATR72, Tikehau pointe le bout de son nez.

380 habitants vivent sur cet atoll décrit comme un des plus poissonneux au monde par le Commandant Cousteau. L'aéroport est sommaire, aucune barrière, ni obstacle ne protège la piste. Un bungalow fait office de tour de contrôle. Un vieux Paumotus (habitant des Tuamotus) est assis sur le balcon, la casquette vissée sur la tête et le talkie dans les mains. La tondeuse qu'ils utilisent pour couper l'herbe sert aussi à tirer la remorque avec les bagages, le dépaysement est total...

Quelques minutes plus tard je pose ma tente au bord de l'eau à l'ombre d'un arbre. Je regarde l'eau et je crois voir quelque chose dépasser à la surface. Je m'approche et là je vois à nouveau un aileron sortir de l'eau. Cette fois je suis au bord de l'eau, et je vois la partie immergée de l'aileron, c'est un requin à pointe noire, à quelques centimètres. Je reste bête face à cette découverte. Je continue à l'observer quand d'autres le rejoigne. J'en compte jusqu'à 6 en même temps. J'interroge alors Laroche, le gestionnaire de la pension qui est aussi directeur de l'école. Il me répond qu'ils sont toujours là et que le soir les gros arrivent. Ses enfants jouent parfois avec eux comme nous pourrions jouer avec un chien. Il finit en me disant, bienvenue en Polynésie, le paradis du requin.

Le soir je rencontre Brieuc et Claire, lui est kiné, elle est infirmière. Ils vivent depuis peu en Polynésie. Ils sont venus vivre ici une autre vie. J'ai rencontré aussi Rémy, un chercheur en neurobiologie de 28 ans passionné par la plongée. Je ne le savais pas encore mais nous n’allons plus nous quitter. Ils allongent la longue liste des personnes qui ont croisé mon chemin et qui ont partagé leur histoire. J'aime l'idée de découvrir d'autres mondes à travers eux et d'y sais m'inspire.

Le lendemain matin je pars faire ma première plongée avec le Raie Manta Club, le premier club de plongée créé en Polynésie par un des plongeurs du Commandant Cousteau, Yves Lefebvre, en 1985. Yves s'occupe du club de Rangiroa. Sur Tikehau c'est Axelle et Justine qui gère le club.

Le premier matin nous passons devant une ancienne ferme perlière située sur un motu en plein milieu du lagon. C'est le lieu de rendez vous des raies Manta. Ils en ont compté jusqu'à 20 au même endroit. Ce matin là malheureusement aucune ne se montra, nous partons alors pour une plongée dérivante dans la passe. Quelques jours auparavant un requin tigre de 5 mètres se promenait... Il y a une quantité inimaginable de poisson. Ils semblent s'être tous donné rendez-vous. Les tortues sont de sortie, elles nous observent. Nous commençons à entrer dans le courant quand une immense tortue apparaît. Elle semble complètement désintéressée. Axel dut la pousser pour l'éviter. Le spectacle commence, les murènes géantes sortent la tête, et les balistes titan rongent le sol. Ces murènes sont vraiment impressionnantes, aussi inamicales que repoussantes. Des requins rôdent aux alentours sans jamais réellement s'approcher, mais leurs yeux vous ne les oubliez jamais. Il y a quelque chose d'indéfinissable dans leurs yeux, quelque chose d'impossible à saisir mais qui vous transperce et qui vous met à nu. Nous arrivons ensuite au trou des requins. 5/6 requins à pointe blanche dorment à l'intérieur. Les uns sur les autres, ils sont là immobiles, à un mètre de ma GoPro.
Je peux alors continuer mes observations. Leur peau est parfaite, et ces yeux aussi effrayant que fascinant ne semblent jamais dormir. Après quelques minutes ils sont moins mystérieux. J'ai envie de m'approcher mais ce contact rêvé le restera. Nous lâchons les roches sur lesquelles nous étions accrochés et la visite continue. Le courant nous transporte et on se croit parfois en plein vol. Les bras tendus, les coraux défilent, les murènes veillent, et les requins passent, attirés par notre présence. Le courant se calme, c'est l'heure de remonter. Nous sommes à trois kilomètres plus loin à l'intérieur du lagon. Cette plongée magique sera pour moi jusqu'ici la plus belle...

J'ai fait 21 plongées en Polynésie, je vais donc vous épargner le récit de chacune d'entre elle, en revanche certaines resteront à jamais dans ma petite tête, pour ne pas oublier, pour partager je vais les mettre sur le papier. Voici le récit de celle qui restera comme la plus belle rencontre.

Je fais les dernières vérifications, j'enfile mon gilet, Axel donne le feu vert, nous y sommes. Nous descendons à côté de l'ancienne ferme perlière. Je regarde dans le bleu, à chaque instant elles peuvent apparaître... Elle suspend son vol, puis caresse à nouveau l'eau qu'il l'entoure. Rien ne semble la perturber, elle est la reine de ce monde du silence. Elle vole autour des massifs coralliens en formant de grands cercles. Elle reste là, autour de nous, comme si elle tolérait notre présence.
Quand en un seul être la grace s'ajoute à la majesté, l'élégance à la grandeur, la beauté au mystère, le mot merveille devient lui même dépassé. Je découvre alors une dimension animale nouvelle, différente non seulement de tout ce que j'ai approché mais aussi de tout ce que je pensais pouvoir exister. Aucun mot, aucune phrase, aucun mode d'expression ne peut traduire l'émotion ressentie devant cette créature immense venue du bleu des profondeurs. C'est un mélange d'admiration et de fascination porté à son paroxysme, comme si l'impossible s'était matérialisé...

Elle tourne, puis s'approche, pour finir sa course juste au-dessus de la tête d'Axel. Celui-ci retient ses bulles, et celle-ci continue son vol. Elle est tellement belle. Une jeune fille qui plonge avec nous pleure sous l'eau. La raie manta revient et se pose cette fois sur la tête d'Axel. Elle repart vers le massif corallien. Elle effectue un dernier tour puis disparaît dans le bleu impénétrable, son royaume. Nous nous réveillons alors de ce rêve éveillé. Le retour à la surface est étrange. Ce monde obscur des océans, devient chaque jour plus proche. La plongée en apnée, puis la plongée en bouteille, je ne sais plus comment vivre sans. Ce bonheur, ces émotions, ces sensations, il y a un monde là-bas, et aujourd'hui je ne peux plus m'en passer. Je rentre en vélo à ma pension. Étant seul je prends ma douche sur la plage. La lune est pleine et sa lumière me permet de tout voir. Prendre sa douche à poil, au bord du lagon éclairé par la lune, en plein milieu du pacifique, c'est ça la liberté ! Après une journée pareille, je peux mourir avec le sourire...

J'arrive à Rangiroa, dont la signification en mao'hi est « ciel immense »...

J'ai fait une dizaine de plongée à Rangiroa avec Yves. Chacune est un voyage à la découverte du monde du silence. Le briefing se limite aux éventuelles rencontres que nous pouvons faire. Nous partons sur le zodiac avec Mako notre capitaine. Tous les plongeurs qui viennent avec Yves sont expérimentés, voire très expérimentés. René par exemple, il a commencé la plongée en 1969. Chasse sous-marine, plongée en apnée, plongée profonde, il a tout fait. Il vient depuis toujours plonger avec Yves.
Il a plus de 5000 plongées à son actif, là où j'en suis à tout juste 20... Sa joie de vivre et son côté un peu rustique le rendent attachant. Il continue de prendre des photos sous l'eau avec son appareil numérique. Pour lui, la qualité des photos numériques est irremplaçable. Yves se moque souvent de lui mais il persiste. Lors de notre dernière plongée ensemble, nous remontons à la surface et là René me saute dessus pour me dire : « C'est vraiment une gâterie cette plongée, oh la la, quelle gâterie »... Sa joie de vivre et cette passion pour le monde sous-marin qui l'émerveille aujourd'hui encore rendent René unique et attachant. Il vit le bonheur simplement. J'ai oublié de vous dire, René a 79 ans...

Je disais donc qu'avec Yves les plongées durent jusqu'à ce que la bouteille soit vide. Là ou en Thaïlande j'ai fait des plongées de 45 minutes, ici dès la première plongée je finis avec moins de 10 bars pour une durée d’1h30... L'état d'esprit n'a rien à voir. Nous partons à la découverte, sans jamais laisser passer une chance d'observer les créatures qui peuplent les eaux Polynésienne. C'est ainsi que nous avons pu observer le grand requin marteau, des raies mantas, des bancs de barracuda.
Nous avons aussi pu observer un immense banc d'Atouré avec plusieurs milliers d'individus où les requins, les thons et les napoléons viennent chasser. On ressent alors la panique qui envahit le lieu. Les Atourés partent dans tous les sens sous le passage des thons qui font un carnage. C'est comme un film en accéléré, tout bouge à une vitesse qui nous dépasse. Les thons accélèrent à une vitesse folle. Il est vraiment difficile de les suivre. Le spectacle est saisissant.

Un soir nous plongeons au coucher du soleil car c'est la pleine lune. Nous pourrons peut-être observer la reproduction des chirurgiens. C'est toujours particulier de partir en mer quand la nuit tombe. L'eau semble plus profonde, plus impénétrable. Elle est encore plus étrangère. Le calme qui règne sous l'eau permet de sentir facilement l'agitation. Et ce soir là, les chirurgiens s'agitent comme jamais. À simplement 20 mètres de profondeur tout ce petit monde nage vite, très vite. Ils se regroupent. De manière continue leur nombre grossit. Les thons et les requins arrivent. Ils rôdent autour de leurs proies. Nous sommes alors posés sur un rocher à observer. Soudain le mouvement s'accélère, et les chirurgiens restent proches du fond. C'est alors que 6 individus remontent en vrille de quelques mètres et projette leurs spermatozoïdes et ovules. Une frénésie les envahit et c'est bientôt des centaines et des centaines qui décollent comme des fusées. C'est à ce moment là que les prédateurs attaquent. Les thons à dents de chien font un massacre. Ils fendent l'eau avec une vitesse incroyable. Les scènes de crimes sont visibles grâce au sang qui reste là, stagnant. Un nuage blanc recouvre la scène même si le rouge vient parfois se mêler. Les chirurgiens replongent alors pour rester proche du fond. On estime qu'un individu sur un million deviendra adulte. Les œufs iront dans le grand bleu où ils nourriront les requins baleines, les crevettes et j'en passe. Certains verront le jour et reviendront vivre au milieu des coraux.

Cette scène du monde des océans est parfaite. L'espace d'un instant la vie et la mort ne font qu'un. Chaque pleine lune, ce rituel immuable se répète.

Yves a observé ce phénomène la deuxième fois avec seulement son masque et son tuba dans la passe de Tiputa. À 23 ans après avoir été major au concours des pompiers de Paris, il partit pour une autre vie. Une des ces vies inimaginables pour nous. Il prit un bateau de l'armée qui se rendit en 45 jours à Tahiti. Il avait lu tous les livres qu'il avait pu trouver sur le monde des océans. Il voulait simplement le découvrir par lui-même. Arrivé à Rangiroa, il pêche avec son harpon pour se nourrir et pour vendre son poisson. Il découvrit un monde que même ses pensées les plus folles n’avaient soupçonné. Il ouvra le premier club de plongée en Polynésie et tomba amoureux de ces créatures immenses venues des profondeurs. Sa curiosité obsessionnelle l'emmena à faire une découverte majeure. Il devint rapidement avec son premier livre de photo et ses mémoires, le spécialiste mondial des requins.

C'est ainsi qu'un jour il reçut un coup de téléphone.
- Oui, allo ?
- Oui, Yves à l'appareil. Qui est ce ?
- C'est Simone Cousteau de la Calypso. Tu fais quoi en ce moment ?
- Ben, euh, ben euh... Je plonge...
- Ok on arrive la semaine prochaine. Tu auras du temps ?
- Euh, oui oui... Mais pour faire quoi ?
- Pour plonger
- Ok, ben à la semaine prochaine

Ce fut le début d'une aventure humaine, une de celles que vous pourriez écouter jusqu'à la fin de la nuit. Il emmena l'équipage de la Calyspo pendant des mois pour découvrir les requins. Il devint caméraman sous marin pour la BBC. Il tourna pour Besson, la maison blanche, Fidel Castro... Une vie bien remplie d'un homme passionné, humble, chaleureux. Il vit aujourd'hui pour apprendre et transmettre. Une des plus belles rencontres de mon tour du monde.

Il nous raconte quelques anecdotes de son séjour sur la Calypso. Mise à part les personnages qui étaient des romans à eux seuls, le deuxième soir il mangea avec l'équipage. Quelqu'un demanda au médecin du bateau comment on faisait des points de sutures. Celui-ci se mit en travers du banc, plia sa jambe pour que la cuisse dépasse et fit une entaille de 5 centimètres. Il demanda alors du fil de pêche et une aiguille, puis commença la démonstration...

Il y avait aussi un photographe connu, fasciné par les requins, qui rêvait de prendre des photos avec ces créatures et des filles nues. C'est ainsi qu'une de ces filles se fit arracher le mollet...

Certains plongeurs se défiaient face aux requins. Ils prenaient un poisson mort dans la bouche, se bandait les yeux et attendait que les squales se saisissent de la proie.

Yves a des centaines d'anecdotes comme celle la et au-delà de la folie de chacune on sent bien qu'elles font parties d'une autre époque. Et c'est bien la sensation que l'on a quand on découvre Yves. Cet homme semble avoir eu plusieurs vies...

Les journées se suivent et se ressemblent. Petit déjeuner au bord de l'eau, Yves vient nous chercher et nous partons plonger. Je mange du riz le midi et quelques soirs un des copieux plats d'Henriette. Du mahi, mahi à la vanille, du thon rouge... Quelques merveilles dont la fraîcheur sans pareille sublime ces produits de la mer.

Toutes les bonnes choses ont une fin et ma dernière plongée à Rangiroa arrive à grand pas. Cette après-midi Yves recherche les dauphins. Depuis son arrivée, 8 dauphins sédentaires vivent dans la passe de Tiputa. Ils sont parfois rejoints par d'autres colonies bien plus nombreuses mais ceux-là ne partent jamais. Encore une fois sans le savoir quelques rencontres inoubliables nous attendent. Cette dernière plongée commença difficilement. Sur le bateau, le joint de ma bouteille sauta au moment de se mettre à l'eau. Les dauphins étaient à une centaine de mètres, il fallait alors se dépêcher. Deuxième essai, le joint semble tenir. Nous faisons la bascule et nous voilà partis.

À environ 5 mètres de profondeur nous entendons les dauphins. Et là, j'entends un gros « poum » derrière mes oreilles. C'est le joint qui lâche encore une fois. Plus d'air dans le détendeur et plus d'air pour remplir mon gilet et ainsi remonter en urgence à la surface. Heureusement Livia la compagne d'Yves arriva. Elle me passa son détendeur de secours et ferma ma bouteille. Nous remontons alors à la surface pour récupérer la bouteille d'urgence sur le bateau. Changement de bouteille et là je vois un bébé dauphin sauter dans les vagues. Nous repartons à la vitesse de la lumière. Les cris des dauphins nous font presque mal aux oreilles, ils sont là c'est sûr. Apparaît alors dans le bleu trois dauphins dont un bébé de quelques mois. Yves laisse trainer son gant dans l'eau et les trois dauphins se dirigent alors vers lui. Ils s'approchent un peu plus, puis finissent par être à quelques centimètres de lui. Je suis alors juste derrière. L'un deux essaye d'attraper le gant. Yves le rattrape, ils reviennent. Cette fois, il tourne autour d’Yves puis l'un d'entre eux s'approche lentement de moi. Si proche que je peux le toucher. Il tourne alors en formant un cercle. Je retiens ma respiration pour ne pas l'effrayer. Je vois son œil dans tous ses détails. L'espace de quelques secondes, il n'y a que lui et moi. Nous nous fixons les yeux dans les yeux. J'ai l'impression de découvrir un dauphin pour la première fois, sa taille, sa peau, son regard si affectueux. J'ai hésité à le toucher mais je pense que le plaisir et l'incroyable chance d'observer ces créatures dans leur milieu naturel doit se limiter à l'observation et la contemplation. Son regard restera comme une interaction inoubliable. Il tourne toujours autour de moi puis tente une dernière approche et repart vers le gant d’Yves.

À peine les dauphins partis qu'un poisson voilier ou espadon voilier nage à la surface. Il n'est pas très grand, environ deux mètres, mais sa voilure le rend majestueux. Il est capable de passer de 0 à 110 km/h presque instantanément. C'est le poisson le plus rapide jamais mesuré. Il s'approche de nous et laisse apparaître son rostre. Il n'a presque pas à se mouvoir pour se déplacer. Quel animal surprenant... Il repart en solitaire dans le grand bleu. Après de telles rencontres, chacun a la sensation d'avoir croisé des animaux rares et fascinants. Des moments uniques qui resteront à jamais gravés dans ma petite tête. René qui a plongé plus de 5000 fois n'a vu qu'une dizaine de fois un poisson voilier. Il faut donc mesurer la chance que nous avons eue. Nous sortons du milieu de la passe pour rejoindre le tombant. Après quelques minutes nous allons bientôt devoir remonter. Yves tape sur sa bouteille pour nous demander combien d'air il nous reste. Soudain derrière Yves venu des profondeurs du tombant, un banc de raies aigle appelées aussi léopard apparaît. Elles remontent depuis les tréfonds pour venir se nourrir dans la passe. Leur nombre n'en finit plus. Le passage du cortège laisse tout le monde fasciné. Il y en a une cinquantaine. Et croyez moi c'est bien plus beau que le défilé du 14 juillet.
Nous restons tous à l'affût car les requins marteaux raffolent des raies léopard. Peut-être qu'elles sont suivies par l'un d'entre eux. Nous les suivons pendant quelques minutes, nous volons pendant quelques instants derrières elles. Je passe alors sous elles et le contraste semble irréel. Elles sont d'une souplesse inqualifiable. Elles volent...

Je termine cette plongée avec moins de 10 bars... mais quelle plongée ! Des dauphins, un poisson voilier, un banc de raies. Même moi je n'avais jamais osé y croire. Comme quoi l'optimisme n'a pas de frontière. Je quitte Rangiroa comme on quitte un être cher. Il y a plus que des hommes là-bas, il y a plus qu'un lagon, il y a un monde et il ne tient qu'à vous de partir à sa découverte...

L'ATR nous dépose à Fakarava. Je retrouve René et tous mes amis plongeurs à la pension. Rémy, Claire, Brieuc, Sophie, Romain et Émilie. Personne ne se connaissait avant la Polynésie et depuis le début de notre périple nous nous sommes croisés. Et ce soir c'est la fête, nous nous retrouvons tous pour notre dernière étape dans les îles.

Je plonge cette fois avec Serge et Karine deux suisses qui ont un jour décidé de construire leur bateau eux-mêmes le soir après le travail. Il aura fallu trois ans pour le terminer. Ainsi ils partirent autour du monde pendant un an. Le programme initial prévoyait un retour mais celui-ci ne vint jamais. Pendant 12 ans ils ont parcouru notre belle planète et un jour Fakarava passait par la. Ils connaissent presque toutes les côtes du monde mais à Fakarava, il y avait quelque chose en plus.
Ils ont alors ouvert leur club de plongée qui connaît un succès fou. Sur les 6 prochains mois ils sont complets. J'ai bénéficié d'un abandon pour avoir la chance de plonger avec ces voyageurs au grand cœur. Leur simplicité, leur joie de vivre font chaud au cœur. De plus, j'ai eu de la chance que René et Rémy soient de la partie. Nous découvrons alors la beauté des fonds de Fakarava, la caverne d'Ali baba, le mur de requin, etc, etc...

À Faka les requins sont partout, il est impossible de les compter tant il y en a. On se sent si petit face à eux. Ils dérivent dans la passe à la recherche des proies. Nous prenons alors le courant. Celui-ci est beaucoup plus fort qu'à Rangiroa. Nous arrivons dans un creux appelé caverne d'Ali baba. Ce lieu abrité du courant est envahi de poissons. En envoyant la main on peut presque les toucher. C'est fascinant.

Il faut plier la tente, dire au revoir mais avec l'intime espoir de retrouver un jour ce théâtre des rêves... Je reviendrai.

Merci encore pour vos messages, la fin approche mais le rêve continu.

 

Robin

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